réponse :
Alan Roura : C'était un super finish ! Le premier que je fais à ce point-là, en étant vraiment à l’affût du moindre geste de l’autre bateau, ça fait 24 heures que j'ai les yeux rivés sur l'AIS pour connaître sa vitesse et son cap afin de le contrôler. La fin a été super dure. Ça fait trois jours que je n'ai pas dormi, je n'ai rien lâché pour cette septième place, je la voulais. Pourtant, j'ai tout eu : hier soir, je me dis que je contrôle Stéphane, je me fais chauffer un plat et là, j’entends tous les chariots de grand-voile qui tombent sur le pont, la grand-voile aussi. Il a fallu monter dans le mât dans 4 mètres de creux et du vent, renvoyer la grand-voile, puis la voile d’avant, enchaîner avec dix empannages d’affilée pour finir dans la molle. Et à la bouée de Basse-Terre, il prend une risée, tu ne sais pas d’où elle vient et tu le vois partir à l’horizon, tu te dis que tu ne t’es pas bagarré dix jours pour que ça finisse comme ça. Clairement, ça s'est joué à rien, il a raté un virement avant de faire un départ au tas dans la foulée, je n'étais pas loin, c'est le jeu ! J’espère qu’il ne m’en voudra pas, mais on s'est bien battus. Notre match avec Damien et Stéphane a donné du peps à la course, on a fait une course de Finot, c’était bien.
Stéphane Le Diraison : C’est mon meilleur moment de cette Route du Rhum, ce sera même un de mes meilleurs moments en course, parce que j’étais un peu vexé de l’option que j’avais faite à eux-trois jours de l’arrivée, ça m’avait coûté extrêmement cher de plonger au Sud. J’avais vraiment envie de m’arracher pour revenir, même si ça paraissait complètement improbable. J’y ai cru, j’ai tout fait, et autant je n’étais pas inspiré quand j’avais plongé au Sud, autant là, j’avais l’inspiration, je faisais les bons bords, j’avais la vitesse, j’étais énervé. Et puis il y a eu le tour de la Guadeloupe qui a été mythique, on a passé de nombreux moments l’un à côté de l’autre avec Alan, un coup, c’était lui devant, un coup, c’était moi, on ne lâchait jamais rien. Et jusqu’au bout, puisque je le contrôlais, à un moment, le vent refuse, j’attends qu’il vire pour le contrôler, et mon pilote fait un raté complet, je pars en marche arrière, la bastaque s’emmêle dans la bôme, un vrac pas possible... Du coup, j’ai dû empanner, parce que je n’arrivais pas à virer, et il repasse. C’est le jeu, je ne suis pas rancunier là-dessus, il s’est battu, c’est même mérité, parce que j’étais presque un peu gêné de lui avoir fait ce coup-là. J’étais super content d’avoir joué avec lui, il récupère sa place, il y a une logique.
Quelle saveur ont vos 7e et 8e places ?
Alan Roura : J'avais parié avec mon sponsor qu'on allait finir septième ! Voilà… Mais sixième, huitième, ça se joue à peu de choses... A un moment lors des deux premiers jours, j’étais avec Yann Eliès, un truc improbable ! La Route du Rhum, je ne pensais pas que c’était à ce point-là, c’est l’inconnu total, tout change toutes les deux secondes, c’est hallucinant, incontrôlable.
Stéphane Le Diraison : Elle est belle, ma 8e place. Je peux vous dire que je n’ai plus de forces, il ne fallait pas qu’il y ait un virement de plus... La preuve, l’avant-dernier s’est mal terminé. C’est ça qui est beau dans cette course, c’est extrêmement difficile, difficile dès le début, car tu pars avec cette pression de Saint-Malo, ensuite, on a eu les dépressions, les transitions, l’alizé... L’alizé, ça sonne bien, on a l’impression qu’il fait beau et chaud, mais en fait, c’est de la barbarie comment on tire sur ces bateaux, on n’imagine pas ce qu’on leur met… On vit sur la brèche, je pense que les petits copains, c’était pareil. Tu sens que le bateau est toujours à la limite, toi aussi, donc nerveusement, c’est hyper difficile et c’est très exigeant physiquement. Et quand on a des copains qui jouent bien, comme Damien et Alan, c’est génial, parce que c’était une vraie course. C’est vraiment ça qui me motive pour venir sur un événement comme la Route du Rhum, on vient dépasser ses limites, aller au bout de ses forces, c’était le cas, je suis ravi, c’était une belle édition pour moi.
Alan, es-tu satisfait du rendement de tes foils sur cette Route du Rhum ?
Alan Roura : Oui. Maintenant, on n’a clairement pas eu des conditions pour ce type de foils, on a surtout eu du près et du portant. C’est dommage, parce que les foils sont faits pour le vent de travers. Dans la molle, je galérais parce que j'avais un peu plus de traînée que les autres bateaux. Je dois me battre plus que les autres. Mais je suis content, j’ai trouvé pas mal de manettes, avec le bateau maintenant, on se comprend ! C’est mon bateau, quoi !
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"Vous allez finir par vous aimer les uns les autres bordel de merde?!"